Velma Kelly : la star tragique de Chicago
Une diva du cabaret devenue meurtrière
Velma Kelly, vedette du vaudeville et chanteuse de cabaret, règne sur la scène de Chicago. Elle entre en prison après avoir tué son mari Charlie et sa sœur Veronica, cette dernière surprise en train de le tromper avec lui. Elle prétend ne rien se rappeler, mais adopte immédiatement une posture glaciale de reine éphémère — ni repentante, ni vulnérable
Une notoriété née de l’infamie
Dès son incarcération à la prison du comté de Cook, Velma s’impose comme l’incontournable « star de Murderess’ Row ». Son avocat vedette, Billy Flynn, exploite son cas pour orchestrer un spectacle médiatique : les tabloïds s’emparent de son image glamour de criminelle séduisante, et l’offre d’un engagement par la William Morris Agency tombe dès son acquittement probable .
Numéros cultes : sensualité et provocation
Velma illumine la scène avec plusieurs numéros emblématiques :
- « All That Jazz » : son introduction flamboyante, mélange de pétillement et de provocation,
- « Cell Block Tango » : elle raconte son crime avec ironie et une désinvolture captivante,
- « I Know a Girl » ou « When Velma Takes the Stand » : où elle utilise la mise en scène pour dominer la narration
Sa présence sur scène est une chorégraphie de confiance et de provocation, typique de l’esprit Fosse.
Entre rivalité et alliance : l’histoire avec Roxie Hart
Velma se sent menacée dès l’arrivée de Roxie Hart, accusée du meurtre de son amant. Elle voit immédiatement la compétition médiatique s'installer. Mais elle comprend que deux meurtrières scintillantes valent mieux qu’une. En fin de spectacle, elles s’unissent pour un duo scénique « Nowadays / Hot Honey Rag », fusion de rivalité et de complicité stratégique
Origines réelles et inspirations historiques
Son personnage est clairement inspiré de Belva Gaertner, une cabaretière riche jugée en 1924 pour avoir tué son amant – acquittée après une défense axée sur son charme et l’oubli lié à l’alcool. Velma incarne ce mélange déconcertant entre beauté, culot et opportunisme.
Grandes interprètes & portraits
Velma a été incarnée par plusieurs grandes artistes :
- Chita Rivera, créatrice du rôle sur Broadway (1975)
- Bebe Neuwirth, récompensée par un Tony en 1997
- Catherine Zeta-Jones, oscarisée pour sa performance au cinéma (2002)
- Amra‑Faye Wright, figure marquante en tournée internationale et sur Broadway
- Et de nombreuses autres comme Pia Douwes, Jasmine Guy ou Mýa
Pourquoi Velma fascine encore
- Femme fatale décomplexée : elle incarne un mélange inédit de séduction, de cynisme et de détachement.
- Justice à l’ère du spectacle : elle illustre la frontière floue entre vérité judiciaire et mise en scène médiatique.
- Archétype scénique : son personnage allie glamour, force, effronterie – un rêve de rôle pour de nombreuses comédiennes.
Un rôle de rêve… mais exigeant
Velma Kelly est souvent décrite par les artistes comme l’un des rôles les plus techniques et les plus physiques du théâtre musical. Elle doit à la fois chanter, danser avec précision dans le style Fosse (postures angulaires, mouvements épurés, sensualité maîtrisée), et incarner une femme à la fois dure et fascinante. C’est un rôle où la nuance fait toute la différence : jouer Velma comme une simple “méchante” serait une erreur — elle doit être humaine, blessée, rusée.
Costumes : l’élégance affûtée des années 1920
Les tenues de Velma reflètent son statut de star du cabaret. Lorsqu’on la découvre dans All That Jazz, elle porte souvent un justaucorps noir, des bas résille, et un chapeau cloche : un look qui évoque la sensualité sans vulgarité, très marqué par le style Bob Fosse.
En prison, ses tenues restent élégantes, mais plus sobres. Lorsqu’elle revient sur scène, elle retrouve tout l’éclat des robes à franges, strass et velours noir, qui soulignent la précision chorégraphique de ses mouvements.
Anecdote costumier : dans plusieurs productions internationales, les créateurs ont voulu que Velma et Roxie soient habillées de manière symétrique mais opposée — Velma en noir, Roxie en blanc — pour incarner visuellement leur rivalité, puis leur complémentarité dans le final.
Une performance qui évolue selon l’interprète
Voici quelques nuances selon les actrices les plus célèbres dans le rôle :
- Chita Rivera (créatrice en 1975) : une Velma flamboyante et charismatique, très ancrée dans l’énergie Fosse. Elle était à la fois théâtrale et explosive, avec une vraie autorité scénique.
- Catherine Zeta-Jones (film de 2002) : plus élégante et “cinématographique”, avec un ton plus dramatique que satirique. Sa Velma est calculatrice, mais touchante dans ses échecs.
- Bebe Neuwirth (reprise Broadway 1996) : danseuse exceptionnelle, elle a livré une version très technique, sèche et féline du personnage.
- Amra-Faye Wright : présente sur de nombreuses productions mondiales, elle incarne une Velma plus mature, souvent plus sarcastique que dramatique, avec une autorité naturelle et un jeu du regard redoutable.
Certaines actrices choisissent aussi de faire de Velma une ancienne star qui sent que la gloire lui échappe, d’où une fragilité cachée sous l’arrogance. D’autres, au contraire, en font une vraie survivante, déterminée à reconquérir la lumière coûte que coûte.
Velma Kelly est, aujourd’hui encore, l’un des personnages les plus fascinants de Chicago : impitoyable, élégante, stratégique. Une égérie des années folles, consciente de sa force et résolue à briller au-delà de ses crimes.